« Les freins à l’emploi des personnes handicapées sont réels »
Myopathe, cadre dirigeant et fan de foot, Yanis Bacha sera l’un des invités phares du colloque du 23 novembre sur le plein emploi et le handicap organisé par la CFE-CGC. Témoignage.
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Myopathe, cadre dirigeant et fan de foot, Yanis Bacha sera l’un des invités phares du colloque du 23 novembre sur le plein emploi et le handicap organisé par la CFE-CGC. Témoignage.
Vous êtes responsable Affaires publiques, partenariats et développement chez Electron Libre Productions (Groupe Mediawan). De quoi s’agit-il ?
C’est une société de production de télévision. Mon rôle est de faciliter les tournages des différentes émissions en lien avec les partenaires publics, que ce soit l’État, les collectivités locales ou autres. Je m’occupe du développement aussi : trouver des idées d’émissions, impliquer des acteurs institutionnels… Nous sommes une petite trentaine de personnes, dont beaucoup de pigistes, au sein de Mediawan, deuxième plus grosse société de production d’Europe.
Vous êtes aussi commentateur en audiodescription pour le Paris Saint-Germain et l’Équipe de France de football, un job qui en ferait rêver plus d’un…
En fait, ce n’est pas exactement un job puisque je suis bénévole. Mais c’est vrai que c’est passionnant. Je commente les matches de foot pour les personnes aveugles qui sont présentes dans le stade. Comme à la radio mais en un peu plus élaboré. Et j’assiste à tous les matches du PSG au Parc des Princes.
En tant qu’ancien conseiller de Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, de 2017 à 2022, quel bilan revendiquez-vous ?
J’ai notamment été très impliqué dans le Duo Day, cette journée d’inclusion et de collaboration au travail. Dire que j’en ai été à l’origine serait présomptueux, mais j’ai piloté la première édition quand j’étais au cabinet de la ministre.
Quels thèmes comptez-vous développer lors du colloque ?
J’hésite encore entre plusieurs thèmes, mais je compte de toute façon parler vraiment d’égalité des chances, et notamment de l’autocensure des personnes en situation de handicap, qui aujourd’hui les paralyse et ne leur permet pas de s’exprimer pleinement dans les milieux professionnels.
Autocensure ?
Les freins à l’emploi des personnes handicapées existent, ils sont réels : sociaux, environnementaux, financiers aussi. Mais souvent, ces personnes n’osent pas « y aller » parce qu’elles pensent que c’est un combat perdu d’avance, parce que c’est un investissement pour lequel elles croient qu’elles n’ont pas les armes. C’est malheureux par exemple qu’une personne handicapée n’ose pas faire d’études supérieures parce que dès l’école primaire on ne l’a pas sensibilisée au fait qu’elle en a les capacités. Dès lors que vous avez ce frein-là, c’est compliqué ensuite de se projeter.
La politique incitative qui facilite l’inclusion scolaire a beaucoup amélioré la situation
Est-ce que cette barrière psychologique s’atténue avec les nouvelles générations ?
La politique incitative qui facilite l’inclusion scolaire a beaucoup amélioré la situation, mais je pense que c’est quelque chose qui existe encore aujourd’hui. On rate comme cela des carrières, des vocations, et à la fin vous avez des gens qui sont déscolarisés et en échec personnel. Vous avez dans la génération actuelle des trentenaires et des quadragénaires toute une série de personnes en situation de handicap qui ne se sont jamais projetées dans quelque chose sur le plan professionnel en allant dans des filières qui ne sont pas adaptées ou qui ne correspondent pas à leurs vocations…
Comment la situation peut-elle s’améliorer ?
Elle s’améliore avec l’information et avec la connaissance de tous les dispositifs qui existent aujourd’hui. Et avec l’exemple des autres, d’un Michaël Jérémiasz, bien sûr, mais aussi de ceux qu’on ne connaît pas forcément, qui sont avocats, médecins, journalistes, pilotes… Pour montrer qu’un chemin peut être tracé vers l’accès à une vie professionnelle, sentimentale, sociale, sexuelle. Ce sont tous ces freins-là qu’il faut lever pour changer de regard. Cela fait des dizaines d’années qu’on dit cela mais c’est un combat qu’il faut mener jusqu’au bout.
Propos recueillis par Gilles Lockhart